Un projet attendu depuis presqu’un an: beaucoup de préparations, beaucoup d’investissements en terme de temps et d’argent: la TOKE 2014 vient de se terminer et il est difficile de revenir a la réalité.
L’évènement international TOKE Trans-Onego Kite Enduro a eu lieu en Carélie Russe, sur le lac Onega, le deuxieme plus grand lac d’Europe après le lac Ladoga. Avec pour mission de parcourir environ 300km en 3 jours, les pilotes partant en autonomie, tractés par des cerf volants et emmenant avec eux le nécessaire de bivouac dans leur traineaux.
Nous sommes partis d’Helsinki le lundi 10 fevrier, 450km de voiture pour dormir a Kitee a la frontière russe, le 11 Un chauffeur russe prénommé Vladimir vient nous chercher ainsi que l’autre équipe finlandaise. Nous passons la frontière sans trop de difficultés, il faut juste détailler tout le contenu du camion…. Et il y a vraiment beaucoup de matériel, tout se fait calmement, remplir des papiers et tamponner tout ca. Nous parcourons 350km dans le camion de Vladimir, remplis de skis, traineaux, sacs, kites… et nous avons un avant-gout de ce que nous allons vivre dans les prochains jours: une aventure. Rien que la route nous emmenant de la frontière finlandaise a Petrozavodsk est une expédition, pensant a tout instant que nous allons atterir dans le fosse… il neige et aucun chasse-neige n’a déblayé tout ca, les énormes trous sur la route sont impercevables a l’oeil nu avec la neige, mais notre dos et nos corps remuant dans ce camion nous avertissent quand même du danger. Bref nous avons confiance en Vladimir, qui lui se concentre sur cette route bien difficile.
Cela n’est rien face a ce qui nous attend.
Nous atteignons Petrozavosdk en entier, nous sommes également les premiers a arriver au camp de base. Nous nous installons, les matelas, les duvets, les traineaux etc…. bref nous avons le camp de base pour nous tout seul au debut. Les Norvégiens etant hébergés dans un appartement.
Mercredi 12, les équipes commencent a arriver de Saint Petersbourg, de Moscou, de trés loin en Russie, de Tchécoslovaquie, et le camp de base se remplit, les inscriptions se font, la logistique tourne a fond, ca fourmille de partout et la TOKE 2014 est en route. Tout ca grace a un seul homme Dmitriy BUBNOVIKOV, il fait tout a lui tout seul.
Un breafing en anglais fut effectué a veille, là nous avons le droit a un breafing en russe, c’est intéressant… mais difficile a suivre, on évolue au fur et a mesure des intonations dans la voix des pilotes , et on essaye d’interpréter les visages….
Bref je récupere des infos en anglais par la suite, histoire de ne pas rater les trucs croustillants du genre: les cracks, les parties très mouillées, les amoncellements de glace, tout ce qu’il faut éviter a grande vitesse ou bien la nuit. Toutes les infos sont rentrées dans nos petites tetes, et les GPS sont remis a jour, car des checkpoints sont changés voir annulés pour cause de prévision de manque de vent ou trop d’eau sur la glace.
Les derniers préparatifs se bouclent, les dernières sélections sur le materiel, la nourriture etc… sont faits. Encore des choix, toujours des choix….
Une cérémonie d’ouverture de la TOKE nous met dans l’ambiance, avec des babouchkas chantant en russe, des danses traditionnelles nous emportent tous, les compétiteurs se prennent au jeu, et bientot nous voila tous –competiteurs, organisateurs, bénévoles, etc- a danser en chaine, tous en rond, tous ensemble dans une unité qui nous va nous soutenir tout au long des prochains jours. Telle une danse initiatique, avant de partir pour une grande aventure, une folie douce partagée par tous ces membres d’une même famille.
Jeudi 13, grand chahu-bahu dans le camp de base: a 7h tout le monde est debout. Chacun s’affaire et range tout, ferme les traineaux, prêts a partir. Les balises, les trackers nous sont distribués afin de pouvoir être suivis par satelitte. La course est retransmise sur internet, elle peut etre suivie en direct. Il y a là une équipe russe plus âgée dont l’un des membres joue de l’accordeon, et dès le matin il entonne des airs de musique pour nous donner du baume au Coeur. J’enregistre bien loin dans ma mémoire et dans mon Coeur cette musique qui me sera surement d’un grand soutien plus tard dans les jours a venir. Un peu de folklore russe n’a jamais fait de mal a personne.
Nous sommes dehors, Raimo et moi, les Snowkite Angels. Une chaine de television carélienne russe vient nous interviewer sur le principe de cette course. Autant dire que nous avons autre chose a faire que de débattre sur le sujet… nous devrions aller sur la glace, là ou le départ va avoir lieu sous peu.
Voila que 22 équipes de 2 kiteurs se lancent dans l’aventure.
Il y a 17 équipes russes et 5 équipes étrangères (2 norvégiennes, une finlandaise, une franco-finlandaise, et une tchèque) participant et reparties ainsi: en 17 équipes d’hommes, 3 équipes mixtes homme-femme, et 2 équipes de femmes.
Il n’y a pas beaucoup de vent ce matin, a peine 2-3m/s, suffisamment pour gonfler les kites et pour bouger un peu avec les traineaux mais une chose est sure on ne peut pas faire de record de vitesse avec ce vent! La visibilité est seulement de 300m. Peu importe, il est l’heure, il est temps de commencer la course et le départ est donné. Nous ne partons pas avec la première partie de la flotte mais avec la deuxième partie. Nous ne sommes pas satisfaits de notre depart.
Le parcours de la course a évolué en fonction des conditions et du manque de vent. Nous allons donc du point 1 directement au point 4, le phare IVANOVSKI.
Le vent est de la partie, il y en a peu, mais il y en a et cela est appréciable, toute la flotte évolue et bouge vers le point 4 qui se trouve être un phare au bout d’une île. Heureusement que le système de GPS est au point, et que Raimo maitrise tres bien sa navigation car les conditions de visibilité sont très mauvaises avec un brouillard a couper au couteau. On ne voit plus les autres équipes depuis longtemps car tout est blanc, il est même déja difficile de garder en vue le partenaire. Ca et la, on apercevoit des kites au sol -une équipe décide de changer de kite en route- ou bien des kites dans le ciel mais on ne voit pas les kiteurs…. Tout ca semble un peu irréel.
Une fois le phare IVANOVSKI passé, nous nous dirigeons doucement mais sûrement et sans faute de navigation vers le checkpoint 5, le phare de GARNITSKI. Il semble loin, très loin ce phare, et au vu de cette étendue blanche, il semble que nous ne l’atteindrons jamais…. Mais par ci par la, on apercoit des kites et finalement on doit être sur la bonne route…. Même si ils ne prennent pas toujours les mêmes directions que nous, au moins on se retrouve dans la course, et on n’est pas seul sur ce lac géant. Nous atteignons le checkpoint 5 de GARNITSKI en fin de matinée, en 9ème position, plus d’une heure après les premiers. Une pause obligatoire de 30 minutes nous astreint a s’arrêter, on en profite pour faire pipi, boire, déguster une barre de chocolat offerte par le bénévole du checkpoint. 30 minutes passent très vite et il est temps de reprendre le cap.
Direction vers le checkpoint 6 du nom de MONAK, un phare au milieu de nul part sur une ile rocailleuse, tel le site de MONACO sur son roc, le tout entouré de neige fondue et d’eau. Le vent a sérieusement diminué et ce parcours est, la aussi, interminable…. Il faut se battre avec le kite qui n’arrive pas a remonter au vent, mais on y arrive même si l’équipe de femmes norvégiennes nous dépasse. Au passage de ce phare, vraiment perdu là, au milieu de nul part, le temps devient encore plus défavorable…. Le vent diminue et une neige fondue s’abat sur nous… devenant même par la suite une pluie qui alourdit les voiles. Là, ca devient du sport: pas de vent et des kites très lourds…. la combinaison n’est pas attirante au premier abord, n’est ce pas ? c’est alors que je me mets a parler a ma voile, je la pousse dans ses retranchements… dès que le moindre souffle de vent reprend et redone vie a mon kite je remercie le ciel, je remercie mon papa qui doit bien sûr veiller sur moi et m’envoyer ce souffle d’air. Bref, ca n’est pas facile mais je fais du mieux que je peux. Raimo a un kite russe plus récent et plus performant que le mien, il a tendance a m’attendre. On choisit donc de faire comme une équipe mixte russe GIGO passant au loin: Raimo prend mon traineau afin de me faire avancer plus vite, car ma vieille voile de 19m2 Speed3 FLYSURFER qui de plus est imbibée d’eau devrait avancer plus vite. En effet ca marche, et nous arrivons a lacher l’equipe des norvégiennes. Et partir a l’assaut avec l’équipe mixte russe. Enfin nous nous retrouvons dans la course, le pluie a effacée partiellement le brouillard, on voit un peu plus ou nous allons. Nous sommes en direction du checkpoint 7 SUISAR. Le contour de cette ile est assez long et lorsque nous arrivons au bout de l’ile, en fin de journée, le vent tombe complètement, l’équipe mixte russe fait un long bord, et un écart qui va leur payer, ils arrivent malgré le peu de vent a rentrer dans le couloir et kiter jusqu’au checkpoint 7. Nous sommes plus classiques en navigation, Raimo n’est pas enchanté par un long bord surtout en manque de vent, et du coup nous ne profitons pas du dernier souffle de vent pour rentrer dans le couloir et arriver au point 7 en kite, nous devons plier les voiles et finir les quelques kilomètres a pied, en bottes de ski. Le vent est complètement tombé avec la nuit. Nous marchons dans le noir, lampes frontales a l’appui. Deux équipes essayent de kiter et de nous dépasser, une russe et une tchèque. Il n’y a plus de vent. Nous marchons et ils marcheront plus tard. Nous arrivons avant eux a SUISAR, en 10ème position, a une allure de marche complètement folle, remplie d’adrénaline. Nous sommes vraiment contents d’arriver a ce point la que nous voyions depuis des km grace a une lumière flashante. Les bénevoles nous accueillent avec le sourire et sont fiers de nous, de notre accomplissement. Voila une autre pause obligatoire de 30 minutes que nous devons respecter, il est environ 20h.
Il fait noir, vraiment nuit noire, nous reprenons chemin a pied, sachant que le vent s’est éteint pour aujourdhui. Il nous reste un peu moins de deux heures a faire, la fenêtre de course se fermant a 22heures. Nous marchons, nous marchons, nous marchons…. Nous doublons une équipe russe qui marche aussi, ils ne semblent pas emballer par l’effort a effectuer…. Alors nous continuons jusqu’a ce que ma montre indique 22h00 piles.
Et la, controle du téléphone: j’avais recu un sms a SUISAR, je voulais le lire mais Raimo m’a dit de le faire après 22h, donc je prends enfin le temps de lire le message m’informant que Maël s’est ouvert la tête (5mm) en glissant sur le verglas . Une maman reste une maman, en competition ou pas, l’aventure se pimente a chaque instant. Nous informons le racemaster de la course de notre emplacement et nous lui assurons que tout va bien. Il s’inquiète de notre petit bébé phoque (en peluche), prend de ses nouvelles et nous conseille de lui fredonner une chansonnette pour l’endormir. Raimo commence a faire fondre la neige pour le repas, nous mangeons dehors vite fait notre delicieux repas lyophylisé, on installe la tente, on sort les matelas, les duvets. J’enlève tous ces vêtements mouillés, enfile mes bonnes chaussettes de laine, je me glisse dans mon duvet pour téléphoner a Maël le petit héros et prendre de ses nouvelles. Tout va bien, il est courageux et il n’a pas mal. Moi, dans mon sac de couchage je suis prise de crampes incessantes, je me masse les cuisses avec l’huile que Marlies la kiné hollandaise m’a donné. Il est minuit et demie passée, peut être même 1h du matin lorsque nous nous endormons.
Nous avons parcourus 105km dont 5km a pied pour cette première journée de course. Nous sommes satisfaits et contents de nos efforts, les SNOWKITE ANGELS vont bon train.
Vendredi 14, c’est la saint Valentin. Nous sommes au deuxième jour de course.
Quelques petits coeurs en chocolat au réveil a 4h30 du matin et nous commencons a plier le camp. Nous ne mangeons pas de suite car nous n’avons même pas encore digéré le repas du soir! Grosse erreur, il aurait fallu se forcer a manger.
Lorsque tout est plié, nous apercevons au loin, des petits points lumineux indiquant l’emplacement des autres équipes aux alentours, il y a les équipes qui vont vers le checkpoint 8 de KONDOPOGA et celles qui en reviennent déjà.
Il est 6h00, nous sommes autorisés a reprendre la course.
Il n’y a pas un soufflé de vent.
Alors nous marchons bon train et faisons l’analyse de la course de la veille. Nous ne voyons personne marcher derrière nous. C’est seulement vers 8h30 lorsque le jour s’est levé que nous apercevons au loin derrière nous, 3 équipes qui se poussent les unes les autres, a aller de l’avant, en ski de rando. Il y a l’équipe mixte russe, l’équipe mixte tchèque, et une autre équipe russe allant a une vitesse affolante a ski de fond. Ils n’ont pas trop de mal a arriver a notre hauteur car nous sommes a pied, on va donc moins vite qu’eux. Alors que nous faisons un premier essai en kite, ils nous depassent… nous perdons du temps a sortir tout ca et ranger tout ca… changer de chaussures etc…. et 3 équipes nous depassant d’un coup, ca attaque le moral…. Nous n’avons pas mangé, nous sommes aussi en perte d’énergie…. Les kilomètres a pied ne s’avalent plus aussi facilement…. Je vois Raimo en perte de force. On se décide d’arrêter et de manger. On repart a pied, on ré-essaye le kite au cas ou le vent serait en hauteur…. Rien a faire il n’y a pas de vent, a peine 1m/s. cette matinée nous semble éternelle, il faut refaire une pause et manger chaud, opération fonte de neige etc…. et on repartira avec plus d’entrain, la cadence s’améliore, on trouve aussi les marques et les pas d’autres équipes ayant pris la même trajectoire, ca aide, c’est plus facile d’avancer. On n’est pas venu a la TOKE pour faire une compétition de ski ou de marche a pied, donc tout ca nous destabilise et le vent se fait attendre interminablement.
Et heureka, en fin de journée, le vent souffle un peu: 2m/s, c’est peu, très très peu…. Surtout quand le kite utilisé la veille est toujours trempé.Mais cela suffit pour nous redonner du baume au Coeur et nous faire kiter 10km soit 5km en trajectoire directe, c’est peu certes, mais c’est déja ca. Et cela nous permet d’arriver pas trop loin du checkpoint 8 de KONDOPOGA, ou nous apercevons au loin 4 équipes essayant de remonter au vent, nous nous retrouvons a kiter, retour dans la course… haut les coeurs! Mais ce souffle de vent ne dure pas, cela n’était que le dernier espoir du soir… l’heure tourne, le vent tombe avec la nuit et nous nous remettons a marcher, pendant des heures. C’est alors qu’il fait nuit noire, le brouillard décide aussi de se mettre de la partie et de compliquer les choses.
Il fait noir, mauvaise visibilité.
Du brouillard en plus, très mauvaise visibilité…
Le GPS nous indique toujours droit devant, tels des scouts nous avancons a un pas bien rythmé. L’église de KONDOPOGA se dresse au loin, au milieu des flames des cheminées industrielles, il y a de la lumière au loin, très loin.
C’est alors que lorsque nous nous retournons nous voyons 6 minuscules petits points lumineux se diriger vers nous, sortant de nul part, ils bougent par deux, il y a donc 3 équipes qui essayent de nous rattraper, ils essayent en vain de kiter…. Nous semblons avancer plus vite qu’eux en marchant alors nous gardons la vitesse de croisière. Nous sommes obligés de passer dans des endroits très mouillés, entre les iles l’eau est passée par dessus la glace, tout semble sombre. En temps normal en journée rien ne me ferait peur, mais la dans l’obscurité, nous ne voyons rien de rien, nous pataugeons et nous marchons sur de la glace qui craque, cela fait peur, nous marchons plus vite. La glace est sécuritaire, cela n’est que la couche supérieure qui craque, en dessous il y a une couche d’eau et ensuite 20 bons cm de glace solide, rien de dangeureux. Mais ce sentiment de ne rien voir, de ne pas pouvoir anticiper, et de se sentir piegés dans cette nature n’est pas reconfortant, on se découvre un sentiment de survie et de vouloir sortir de ce couloir de glace fondue, le plus vite possible, nous avancons comme des machines, au pas de soldat, du jamais vu. Pourtant il n’y a aucun risque, puisque les motoneiges y passent, c’est juste la fatigue qui décuple tout sentiment.
Nous arrivons en trombe au checkpoint 8 de KONDOPOGA. Nous sommes victorieux, les équipes ne nous ont pas rattrappés la aussi, nous sommes en 11ème position, soit seulement une position de perdue par rapport a la veille. Le sentiment est le même que la veille au soir. Il est environ 20h.
Le brouillard se lève un peu et le vent revient, nous avons 30 minutes de pause obligatoire. Sans se poser trop de question, c’est logique: nous sortons vite fait les kites, changeons les chaussures, et nous nous relancons dans la course, dans le noir. Il ne faut pas se perdre de vue. Au loin, il y a 4 équipes qui campent déjà, et il y a 2 équipes qui camperont derrière nous en restant au checkpoint 8.
Malgré l’étendue gigantesque de ce lac, nous sommes parfois seuls, et parfois en plein milieu de l’action. Un sentiment étrange.
Le vent s’estompe a nouveau…..
Quelle drôle de journée.
Alors nous remarchons et avancons jusqu’a 22h00 piles, heure de fermeture de la course. Nous sortons la tente, montons le camp, Raimo fait fondre la neige pour les thermos et le repas. Ce soir, le coup de fil sera pour Néa. Le sac de couchage m’attire un peu plus ce soir, je suis fatiguée et n’espère pas avoir de crampes.
J’ai vu des journées de Saint Valentin plus douces que celle la, mais plus dures aussi.
Il y a 20 ans mon grand pére décèdait. C’est en marchant dans le vide, les yeux fixés dans les pas de Raimo, là où je dois poser mes pieds que je me suis rappelée a tout ca.
Vraiment quelle drôle de journée, faite de tant d’émotions, de tant d’efforts, tant d’espoir aussi…
Mais les SNOWKITE ANGELS sont forts ensemble, on est contents de nous malgré tout, certes le résultat pourrait être meilleur mais au vu de notre équipement (vieux kite mouillé) et du peu d’entrainement que nous avons eu auparavant (soit quelques semaines de neige), nous faisons de notre mieux, nous poussons les limites, et nos efforts ne sont pas vains.
Samedi 15, réveil a 4h30.
Encore une courte nuit de 3h30 de sommeil, a 5h40 le camp est plié, les kites sont au sol, il y a du vent on espère bouger un peu et sortir de cet endroit bien humide.
On attend 6h00.
Ca y est, c’est l’heure de reprendre la course, dernière journée.
Il est clair que si les prévisions de vents restent ce qu’elles étaient prévues d’être, nous n’arriverons pas au camp de base avant 18h, mais ne sait on jamais, nous sommes toujours en course, et il faut tout tenter.
Alors nous kitons dans le desespoir, le kite est complètement trempé, très très lourd, les brides se mouillent sans cesse en tombant dans la glace, et se gèlent instantanément…. Rendant le tout encore plus lourd…. Cela nous paralyse et au bout d’une bataille de Presque deux heures nous décidons de ranger tout et de …… marcher une fois de plus…..
Après tout, ca n’est rien! Nous avons fait 7/SUISAR-8/KONDOPOGA a pied ou presque hier (25km?) dans la neige fondue, nous pouvons bien le refaire dans le sens inverse puisque le trajet de la course nous l’indique.
Vent ou pas vent, il faut y aller, coute que coute.
Le plus amusant de tout c’est qu’en marchant nous reussissons a rattrapper des équipes. Nous marcherons toute la journée.
Il y aura donc des mini-pauses régulièrement afin de ne pas trop avoir froid et de reprendre des forces en mangeant et buvant. Il n’y a personne derrière nous, il semblerait que personne n’ait voulu être aussi fou que nous et refaire ce chemin a pied….la journée semble longue mais pas tant que ca, surtout en sachant qu’elle doit se terminer vers 18h et que c’est la dernière journée de course. Ces derniers kilomètres a souffrir et a tracter ces traineaux ne sont pas les pires . Mon traineau pèse au total un peu plus de 25 kilos et celui de Raimo un peu plus de 32 kilos.
Nous sommes dans un desert blanc, sur une étendue interminable, on voit au loin les contours du lac, nous ne sommes pas complètement perdus, mais le brouillard a tendance a nous faire croire le contraire. Pourtant nous avancons droit devant, en direction du checkpoint 10 de SUISAR et la course va bientot s’achever.
Nous avancons, avancons, avancons.
Un kilomètre de plus accumulé, un kilomètre plus près du but.
L’heure de la fin de la course approche lorsque nous sommes tout près de SUISAR et qu’une motoneige vient nous récuperer.
Il est temps de détacher les traineaux du harnais, de prendre dans ses bras l’autre SNOWKITE ANGEL et de se féliciter de l’achèvement de ces 3 jours parcourus. Une embrassade bien méritée. TOKE 2014 se termine… enfin presque…
Mais l’aventure continue on part en motoneige pour rejoindre la cote et les autres équipes qui ont également été récupérees. Elles sont nombreuses. On échange, on rigole, on a beaucoup a partager, et personne ne sait vraiment sa position, les sentiments sont étranges. La notre est toujours 11ème au classement général et 3ème en équipe mixte homme-femme. Un bus vient nous récupérer avec tout notre équipement… ca vaut le détour, imaginez une dizaine d’équipe avec les traineaux, les skis, et caser tout ca dans un petit bus scolaire. Quand c’est fini, y’en a encore, l’aventure continue….
Lorsque nous arrivons au camp de base, nous sommes tous cuits, morts de fatigue, on a froid, il faut tout décharger et les autres équipes nous accueillent chaleureusement. Il y a de l’ambiance. Certains sortent du sauna et se jettent dans la neige, d’autres viennent aider a porter nos affaires. L’entraide est là, nous sommes tous dans la même galère. La famille de la TOKE est riche et généreuse, un micro-cosmos tellement vivant . Nous sommes vivants, remplis d’émotions, et aucun mot n’arrive a décrire tous les sentiments qui nous traversent a ce moment la.
Mais on a accompli notre mission, de terminer la course, de ne pas abandonner.
On resort tout, matelas, sac de couchage, on met la tente et les vêtements a sécher…
On commence a rêver de la douche et du sauna…
La soirée est animée, un barbecue dehors, le sauna a la russe, l’ambiance est vraiment bonne, on refait la course par ci, on échange par la…
Un kiteur prend une guitare et son coéquipier chante a tue-tête en russe… ca dure comme ca toute la soirée et une bonne partie de la nuit… des chansons mélancoliques, de la musique folk, les russes vivent avec leur Coeur. Malgré la fatigue accumulée nous n’irons pas nous coucher avant 3h, on est habitué au manque de sommeil, un peu plus ou un peu moins, on n’est plus a ca près! Mais nous vivons l’aventure jusqu’au bout. D’ailleurs nous sommes les seuls étrangers a vivre au camp de base, les tchèques dormant dans leur voiture, les norvégiens et les finlandais dormant dans un appartement plus loin. Depuis le début nous dormons avec les russes, au sein même du camp, afin de mieux palper la tension artérielle de la TOKE 2014.
On se remplit de sourires, de musiques, de joies partagées.
La TOKE ca vide un homme, mais ca remplit un Coeur.
Dimanche 16
La cérémonie de remise des prix va donc clore tout ca, les podiums etc, la photo de la grande famille, les derniers échanges et les premiers départs. Les équipes de Moscou et de St Petersbourg s’en vont petit a petit en train. Ne resteront que les équipes étrangères le soir pour aller tous ensemble manger en ville et danser un peu.
Lundi 17
Notre chauffeur russe Vladimir vient nous récuperer pour nous ramener a la frontière finlandaise, la route est tortueuse, glissante et accidentée, mais la fatigue aidant on ne s’inquiète plus de rien. On analyse, on échange avec l’autre équipe finlandaise, on refait le monde.
Cela fait donc une semaine que nous sommes revenus a la maison, a la réalité, ou les enfants nous attendaient. Mais cela a pris des jours et des jours avant de redescendre du petit nuage ou nous étions.
Vivre un moment fort et intense comme le fut cet évènement la est toujours dur a avaler, après coup. Il faut se preparer a tout, a l’avant, au pendant, a l’après.
L’avant TOKE c’est long et lent,
Pendant TOKE c’est fort et intense
L’apres TOKE c’est indescriptible.
Chaque phase a besoin d’être vécue, ensemble et individuellement,
Les SNOWKITE ANGELS ont bien survécu a ce défi. En tant qu’équipe, en tant que partenaire et en tant que couple. Rien a redire la dessus.
Nous étions le seul couple a faire la course ayant des enfants, j’étais la plus vieille femme avec mes 41 bougies. Rien qu’avec ca, on est content et satisfaits de nous même. La prochaine fois on fera mieux, il y a a améliorer dans ce genre de compétitions et dans ce genre de conditions (vents nuls 0-2m/s), nous sommes en pleine analyse, cela devrait prendre un peu de temps pour tout comprendre. Mais dans l’ensemble on a beaucoup appris.
De grands remerciements a tous ceux qui ont partagé notre projet, les familles d’accueil pour les enfants, les partenaires pour leur support matériel, les amis pour leur aide, les organisateurs pour toute leur energie, les compétiteurs, et Dima le maitre de l’art.